La chronique

BTP Algérie

Industrialisons notre manière de vivre !

« Avec tout l’argent du monde, on ne fait pas des hommes, mais avec des hommes et qui aiment, on fait tout ».
Abbé Pierre

L’Algérie ne cesse de construire des logements. C’est, peut-être même, le seul pays qui en a construit autant. Et qui les distribue presque à prix coûtant. Minée par la crise financière dès 1985, l’Algérie n’a pu maintenir la même cadence de réalisation des infrastructures des années Boumediène. Puis, les grandes entreprises de construction ont été laminées par les instructions du FMI dont la seule préoccupation était de résorber les déficits structurels quitte à laisser l’Algérien dormir dans la rue ou à « construire » des bidonvilles et clochardiser les villes. L’inconsistance des entreprises restantes, la politique de développement inadéquate, la tragique décennie de terrorisme ont chamboulé toutes les perspectives de sortie du tunnel.

La problématique du logement réside cependant ailleurs. Dans le temps que cela prend et l’espace mal urbanisé… et surtout la formule de distribution. Des dizaines d’heureux qui « louangent » le gouvernement face caméra. Et des déçus à la pelle. Ce qui génère immanquablement attroupements, blocages de routes et émeutes. Certains brûlent des pneus et d’autres les exposent sur leurs terrasses pour éviter, dit-on, le « mauvais œil ». Indubitablement, l’Algérien a une large croyance en le pouvoir du… pneu !

Aujourd’hui, l’Algérie compte près de 40 millions d’habitants dont les 3/4 vivent au Nord, d’où une demande en hausse exponentielle et un déficit en assiettes de terrains. La famille, désormais nucléaire, aspire à vivre dans l’air du temps avec un maximum de confort et d’espace vital. Les promoteurs privés ont, eux, trouvé la combine : acheter les terrains auprès de particuliers en phase d’héritage et bâtir avec des matériaux importés. Résultat : la classe moyenne est remise sur un plateau en or aux «smasria» spécialisées en location tous azimuts. A force, ces derniers se mettent au web-marketing. La formule « gratte-ciel » adoptée par l’AADL ne semble pas non plus la plus adéquate pour une population qui avait pour habitude de vivre en « terre-à-terre ». C’est comme si on demandait à un agriculteur de père en fils, de travailler en usine… Et c’est ce qui s’est passé à une certaine époque.

Alors comment résoudre toutes ces équations alliant l’aspect socio-culturel, la dimension politique et la contrainte économique ? Le gouvernement affirme résorber le déficit en matière de logements à l’orée 2019. Certes, il met les moyens financiers mais suffisent-ils pour changer la politique générale du secteur quand même les centres d’apprentissage n’arrivent pas à former aux métiers du bâtiment ? Trouver un maçon, un plombier ou un conducteur de travaux, connaissant les normes et travaillant selon les standards internationaux relève de la prouesse.

Le slogan présent est : « bâtir mieux, plus vite et moins cher, tout en respectant l’aspect architectural authentique algérien ». Comment déterminer ce dernier aspect quand on sait que la majorité des pays ont façonné notre façon de vivre par leur manière de construire. De restructuration en réorganisation, le citoyen regarde le temps passer et le dépasser. Et entre temps, le déficit en logements ne cesse d’augmenter. On constate partout que la ville, que le pays tout entier est un perpétuel chantier… Mais rarement, vous entendez quelqu’un vous dire : « j’ai eu un logement ! ». C’est ce qui a fait dire en conclusion à une enquête sur l’occupation des logements, que près d’un million était justement inoccupé, servant le plus souvent de garçonnières.

Certes, on dit bien que « quand le bâtiment va, tout va… bien ». Cependant recourir à l’industrialisation du bâtiment, au respect des normes, à l’amélioration de la qualité et de l’esthétique, et de la productivité sont de bien beaux serments quand on importe le plus gros des matériaux de construction et autres travailleurs. La “démarche stratégique” visant à perpétuer une culture de production, reste tributaire de ces critères. Remettre en selle le concept d’entreprises fortes, modernes et performantes demande une mise à niveau à tous les… niveaux. A commencer par celui que manie le maçon !
Le plan d’action du gouvernement prévoit la réalisation de 1,5 million de nouveaux logements, tous types confondus, durant les cinq prochaines années. Un objectif louable et prometteur. C’est aussi le temps que dure un mandat électoral. C’est malheureusement ainsi qu’est résumée la politique en Algérie. Des échéances qui ouvrent la porte aux quatre vents…

Farid Benahmed

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